J.O. Numéro 179 du 5 Août 1999       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 11849

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Circulaire du 16 juin 1999 relative aux conditions de séjour en France des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen


NOR : INTD9900143C



Paris, le 16 juin 1999.
La ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre de l'intérieur à Mesdames et Messieurs les préfets et à Monsieur le préfet de police de Paris
La loi no 98-349 du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, introduit de nouvelles dispositions visant principalement à alléger les formalités imposées à certaines catégories de ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen bénéficiaires de la libre circulation des personnes, ainsi qu'aux membres de leur famille.
Ces dispositions sont précisées par le décret d'application no 98-864 du 23 septembre 1998 (JO du 27 septembre 1998) qui modifie le décret no 94-211 du 11 mars 1994.
La présente circulaire décrit d'abord les apports de ces mesures législatives et réglementaires puis précise les nouvelles modalités d'instruction des demandes de carte de séjour formulées par les ressortissants des Etats cités en objet n'exerçant pas d'activité économique.
On rappellera à titre liminaire que les formalités imposées pour entrer sur le territoire français aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen demeurent inchangées. Les membres de famille des ressortissants des Etats cités en objet qui possèdent la nationalité d'un Etat tiers à l'Union européenne ou à l'EEE, pour lesquels un visa est nécessaire pour entrer en France, doivent entrer sur le sol français sous couvert de ce document.
A cet égard, la nouvelle rédaction de l'article 4 du décret du 11 mars 1994 précise que les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires doivent désormais être motivées dans le cas où le visa est refusé à un étranger, membre de la famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui n'est pas ressortissant de l'un de ces Etats. Selon un principe général, le refus de visa était précédemment dispensé de motivation en application de dispositions législatives dérogatoires à celles de la loi du 11 juillet 1979.
L'obligation pour l'administration de justifier les raisons qui fondent sa décision de rejeter une demande de visa aux ressortissants étrangers se trouvant dans la situation énoncée ci-dessus, pour lesquels le droit au séjour est a priori réputé acquis, constitue donc une garantie conforme à l'esprit des textes européens.

I. - Les mesures législatives et réglementaires
1. Le nouveau régime juridique des ressortissants des Etats
cités en objet exerçant en France une activité économique
L'article 7 modifié du décret du 11 mars 1994 prescrit que les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, exerçant en France une activité économique salariée ou indépendante ainsi que leur conjoint, leurs enfants âgés de moins de vingt et un ans et leurs ascendants à charge qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle reçoivent, sous réserve de menace à l'ordre public, une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans dès la première demande.
Cette carte de séjour acquiert un caractère permanent lors de son renouvellement, sous réserve de réciprocité.
Seuls les ressortissants des Etats cités en objet dont le droit de séjour est justifié par l'exercice d'une activité économique et qui bénéficient de l'égalité de traitement en matière d'avantages sociaux et fiscaux peuvent bénéficier de ce type de carte de séjour.
Il importe en effet de maintenir la distinction établie par le droit communautaire entre les travailleurs et les non-actifs.
Si cette distinction n'était pas opérée, l'ensemble des ressortissants des Etats cités en objet serait titulaire d'un titre de séjour de longue durée, délivré dès la première demande, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, ce qui leur donnerait accès à tous les avantages sociaux et fiscaux tels que le RMI, l'accès au logement, la formation professionnelle financée par l'Etat ou les régions, les aides à l'emploi ou à la réinsertion dans l'emploi et, plus généralement, à l'ensemble du dispositif de lutte contre l'exclusion.
Par ailleurs, selon le principe de réciprocité, le caractère permanent de la carte de séjour renouvelée ne sera effectif que pour les ressortissants des Etats de l'Union européenne qui délivrent également aux ressortissants français une carte à validité permanente.
A cet égard, un arrêté interministériel en cours d'élaboration fixera la liste des Etats membres de l'Union européenne appliquant un régime comparable pour les Français séjournant sur leur territoire.
Il en résulte que vous n'avez pas à délivrer de carte à validité permanente tant que cet arrêté n'est pas publié. En revanche, le passage à 10 ans de la durée de validité du premier titre de séjour délivré aux personnes « actives » est d'application immédiate.
Vous ne procéderez dans l'immédiat à aucun changement de la nature du titre de séjour des ressortissants des Etats cités en objet exerçant actuellement une activité professionnelle en France et déjà titulaires de cartes de séjour de 5 ans. Les intéressés bénéficieront, au renouvellement de leur titre de séjour, d'une carte de 10 ans.
A l'expiration de celui-ci et s'ils ont la nationalité d'un Etat mentionné dans l'arrêté interministériel en cours d'élaboration, ils obtiendront au moment du renouvellement une carte de séjour à validité permanente.
Les modifications nécessaires dans l'application informatique AGDREF ont déjà été opérées afin de rendre applicable la mesure portant la validité de la carte de séjour à 10 ans dès la première demande pour les catégories de ressortissants des Etats cités en objet concernés.
Par ailleurs, lors de l'instruction d'une demande de carte de séjour déposée par un ressortissant des Etats cités en objet souhaitant exercer sur le sol français une activité économique et susceptible de bénéficier de ces nouvelles dispositions, vous continuerez comme par le passé à exiger de sa part la production des pièces justificatives habituelles (cartes nationales d'identité, déclaration d'engagement ou attestation d'emploi - CERFA 65.0056,...).
Pour les membres de famille, vous n'aurez toutefois pas à exiger la production d'actes d'état civil (extrait d'acte de naissance, livret de famille...), lorsque le lien de parenté pourra être établi avec certitude à partir des documents d'identité qui vous seront présentés.
Il conviendra d'apprécier le caractère durable de l'activité envisagée. En effet les travailleurs temporaires ou saisonniers, au sens des articles 10 et 11 du décret du 11 mars 1994, n'ont pas vocation à bénéficier de cette mesure et leurs dossiers devront continuer à être instruits selon la procédure actuellement en vigueur.

2. La situation particulière du ressortissant des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, conjoint de Français
L'alinéa 1er du nouvel article 7 du décret du 11 mars 1994 est complété par un alinéa précisant la situation juridique des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ayant la qualité de conjoint de Français. Jusqu'à présent, la situation du conjoint de Français était simplement évoquée dans la circulaire no 167/C du 7 juin 1994 qui vous donnait la faculté de délivrer une carte de séjour de 10 ans aux personnes concernées. Il s'agissait en fait de garantir une égalité de traitement entre le conjoint, ressortissant des Etats cités en objet, et le conjoint ressortissant de pays tiers d'un Français, ce dernier pouvant obtenir une carte de résident de 10 ans au titre des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée.
Il a donc été décidé, pour marquer cette égalité de traitement, de préciser par voie réglementaire que le ressortissant des Etats cités en objet, conjoint de Français, bénéficie d'une carte de séjour de 10 ans.

3. La dispense de possession de la carte spécifique pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ayant la qualité de frontalier
Les personnes mentionnées au d (frontaliers) de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 sont dispensées de la possession de la carte spécifique.
L'article 8 de la directive européenne 68/360 du 15 octobre 1968 énonce trois catégories de ressortissants des Etats cités en objet auxquels les Etats membres reconnaissent le droit au séjour sur leur territoire, sans qu'il soit délivré de carte de séjour. Une de ces catégories concerne le travailleur qui, tout en ayant sa résidence sur le territoire d'un des Etats membres où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine, est occupé sur le territoire d'un autre Etat membre.
Par référence à la directive précitée, l'article 9 du décret du 11 mars 1994 prévoyait la délivrance à cette catégorie de personnes d'un titre de séjour spécifique appelé « carte de travailleur frontalier ». Or il se trouve qu'en pratique les intéressés sont très rarement mis en possession de ce titre de séjour qui présente en fait peu d'intérêt.

4. La création de la commission du titre de séjour
La commission de séjour qui avait été supprimée par la loi no 97-396 du 24 avril 1997, portant diverses dispositions sur l'immigration, est rétablie sous la nouvelle appellation « commission du titre de séjour ».
La rédaction de l'article 13 du décret du 11 mars 1994 est modifiée en conséquence, mais les attributions de cette commission, s'agissant de la situation des ressortissants des Etats cités en objet, restent inchangées.
Vous veillerez en conséquence à consulter cette commission lorsque vous envisagerez de refuser la délivrance d'un titre de séjour ainsi que le prévoit l'article 14 du décret du 11 mars 1994.

II. - Modalités de délivrance d'une carte de séjour aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen n'exerçant pas d'activité économique
L'abrogation de l'arrêté interministériel du 6 avril 1995 (JO du 6 janvier 1999) conduit à redéfinir les modalités d'instruction des demandes de carte de séjour des ressortissants des Etats cités en objet rangés dans la catégorie des « non-actifs ».
Les modifications portent sur les conditions de ressources et de couverture sociale.
1o Les pensionnés et autres non-actifs (catégories k et l du décret du 11 mars 1994).
S'agissant des retraités, les personnes concernées sont les pensionnés d'un régime de retraite d'un autre Etat membre de la Communauté européenne.
En application de l'article 1er des directives 90/364 et 90/365 du 28 juin 1990, le droit au séjour doit être notamment accordé aux ressortissants des Etats membres « à condition qu'ils disposent... de ressources suffisantes afin d'éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil ».
Les ressources :
Si les Etats membres peuvent effectivement fixer, en vertu des paragraphes 2 et 3 de l'article 1er de ces directives, le niveau minimal requis pour pouvoir bénéficier du droit au séjour (figurant au § k de l'article 1er du décret du 11 mars 1994), il ne leur est pas loisible de fixer les caractéristiques ou la nature des ressources.
S'agissant des pensionnés (directive 90/365), la plupart d'entre eux sont dans la situation de recevoir de façon régulière et permanente des revenus et leurs dossiers ne posent en conséquence pas de difficulté.
En revanche, la question est plus délicate pour apprécier la situation des autres non-actifs. Vous ne pourrez écarter d'emblée la délivrance d'une carte de séjour aux personnes intéressées aux motifs qu'elles ne peuvent attester disposer de ressources ayant un caractère régulier et permanent (somme d'argent mensuelle). Il conviendra de prendre en considération l'ensemble des éléments actuels ou potentiels dont peuvent faire état les demandeurs pour attester qu'ils répondent à la condition de disposer de ressources suffisantes pour ne pas tomber à la charge de l'assistance sociale française (ex. : occupation d'une maison à titre de propriété ou mise gratuitement à la disposition par le propriétaire, exercice d'une activité rémunérée mais en soi trop marginale ou accessoire pour pouvoir constituer un travail salarié au sens de l'article 48 du traité de Rome, accès à des ressources irrégulières comme les droits d'auteur ou à des ressources provenant d'un parent qui peut se porter garant).
L'assurance maladie-maternité :
L'article 1er du décret no 98-864 du 23 septembre 1998 modifie les points k et l figurant au décret du 11 mars 1994. La délivrance des titres de séjour des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne relevant des dispositions de ces deux directives est désormais simplement subordonnée à la condition que lesdits ressortissants disposent, pour eux-mêmes et les membres de leur famille qui les accompagnent le cas échéant, d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité auxquels ils peuvent être exposés durant leur séjour en France.
Un tel principe vous autorise seulement à demander auxdits ressortissants qui se prévalent de ces deux directives pour obtenir un titre de séjour de produire une ou plusieurs attestations d'affiliation à une assurance maladie publique ou privée pour eux-mêmes et les membres de leur famille qui les accompagnent éventuellement, et qui offre(nt) sur le territoire français des prestations en nature comparables à celles offertes par le régime général d'assurance maladie-maternité.
C'est ainsi que, dans la pratique, dès lors que les personnes concernées présenteront à l'appui de leur demande de titre de séjour ou lors du renouvellement de celui-ci :
- un formulaire communautaire de la série E 100,
ou
- une attestation d'affiliation à une assurance maladie privée,
ou
- un document prouvant leur qualité de titulaire d'une retraite, d'une pension d'invalidité, d'une rente accident du travail d'un taux supérieur à 66 % d'un régime français de sécurité sociale, d'une préretraite attribuée par la France (tels les titres de retraite, pension, rente, notification d'attribution, document justifiant la dernière mensualité versée...),
vous devez considérer que les intéressés remplissent la condition d'assurance maladie posée par les points k et l de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 modifié.
2o Les étudiants.
Les ressources :
Selon la directive 93/96 du 29 octobre 1993, l'étudiant doit assurer à l'autorité nationale du pays d'accueil qu'il dispose de ressources suffisantes afin d'éviter qu'il ne devienne pendant son séjour une charge pour l'assistance sociale. La directive précise que l'étudiant peut attester disposer de ressources par « déclaration ou au choix de l'étudiant par tout autre moyen au moins équivalent ».
L'étudiant concerné doit simplement déclarer disposer d'un montant de ressources suffisant afin de ne pas devenir une charge pour l'assistance sociale française.
Cette déclaration est toutefois nécessaire car son absence peut fonder un refus de séjour.
Dans l'hypothèse où vous seriez interrogé sur ce que recouvre la notion de « ressources suffisantes », il conviendrait d'indiquer à l'étudiant que cette notion s'entend par référence à la quote-part (70 %) de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français.
Nous appelons donc particulièrement votre attention sur le fait que vous n'avez plus la possibilité de demander à l'intéressé de produire des pièces justificatives de ses ressources ni de leur montant.
L'assurance maladie-maternité :
La rédaction du paragraphe m de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 modifié pose le principe que vous devez délivrer un titre de séjour à tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen se prévalant des dispositions de la directive du 29 octobre 1993 dès lors que ce ressortissant par simple déclaration ou tout autre moyen équivalent de son choix, assure disposer, pour lui-même et les membres de sa famille qui l'accompagnent le cas échéant, d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité auxquels ils peuvent être exposés pendant leur séjour en France.
Une telle rédaction implique que vous considériez la condition d'assurance maladie remplie dès lors que ledit ressortissant produit à l'appui de sa demande de titre de séjour une simple déclaration sur l'honneur sur laquelle il indique disposer de cette couverture.
Cependant, dans l'éventualité où l'intéressé vous présente spontanément à l'appui de sa demande de titre de séjour :
- un formulaire communautaire de la série E 100,
ou
- une attestation d'affiliation à une assurance maladie privée,
il n'y a pas lieu, bien entendu, de lui demander de souscrire une telle déclaration.
Les présentes instructions annulent et remplacent toutes les instructions antérieurement diffusées sur ce sujet.
Nos services respectifs se tiennent à votre disposition pour vous apporter toute information complémentaire dont vous auriez l'utilité.


Le ministre de l'intérieur,
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur du cabinet,
C. Barbeau
La ministre de l'emploi et de la solidarité,
Pour la ministre et par délégation :
Le directeur du cabinet,
D. Marcel